Que Johnny Halliday se tire des rails pour tenir trois heures sur scène ne formalise plus que les professionnels de l'indignation. Que Philippe Léotard soit défoncé au point d'en avoir perdu la voix, le souffle et la mémoire n'empêche pas qu'il soit unanimement considéré comme un des plus grands comédiens de sa génération. Qu'un président de la République ne tienne la durée de ses mandats que grâce à de journalières injections est tellement admis que si son médecin est inquiété, c'est pour avoir rendu public cet élément de la vie privée et non pour complicité ou incitation à usage...
Par contre, que des garçons parcourent quotidiennement à bicyclette durant plusieurs semaines près de deux cents kilomètres à des moyennes frisant les cinquante kilomètres/heure en ne se contentant pas d'un jus d'orange et de deux Aspro, voilà qui fait – tout aussi unanimement scandale. Qu'y a-t-il dans le sport, pour voir une telle mobilisation vertueuse, qu'il n'y a pas ailleurs ?
Est-ce l'exigence de l'idéale – mais néanmoins suspecte – pureté d'un corps auquel le sportif est réduit alors que le saltimbanque et le politicien sont réunis dans la tolérance d'un "mens sana in corpore insano" ? Est-ce la douteuse aspiration au dépassement de soi qui réuni la nostalgie des Hercule de péplum et l'attente du surhomme nietzschéen ? Ou l'opportune instrumentalisation médiatique – et politique – qui veut faire du sportif l'édifiant modèle d'une jeunesse, d'une morale, d'un drapeau ?
Voilà qui fleure de toutes façons son Leni Riefensthal.
Jean-Victor